Course à pied et grossesse : peut-on courir enceinte ?

Pourvu qu’elle soit souhaitée, la grossesse est un temps sacré… tout comme la course à pied ! Alors doit-on à tout prix choisir entre courir régulièrement et être enceinte, ou peut-on concilier ces deux moments d’exception ? Comment faire le tri entre les idées reçues bien décidées à faire culpabiliser nos cœurs de mamans, et la réalité ? Le chemin est certes encore long — et ne commence heureusement pas avec cet article — mais il se poursuit ici, grâce aux remises en question et à l’information que la lecture et les échanges soulèvent.

Risques éventuels, bienfaits, précautions à prendre et conseils, nous déblayons ensemble le vaste — et encore trop méconnu — sujet de la course à pied pendant la grossesse, sans jugement ni chasse aux sorcières, simplement dans la bienveillance et dans l’amour de soi, de son bébé et du sport. 🐣👟

Tu trouves que le corps médical et la société en font des tonnes autour de la course à pied et de la grossesse ? Sache que le rôle des médecins est par essence d’être précautionneux(ses), de se questionner en permanence et d’avertir les gens quant aux risques potentiels de pratiques ou d’éléments extérieurs sur la santé. Tu conviendras certainement que la société, quant à elle, excelle en général dans l’art de jaser et de se faire sa propre opinion sur un sujet qu’elle ne maîtrise nullement. Ainsi, si tu es enceinte, sache que le comportement parfois envahissant des gens à ton égard n’est pas entièrement de leur fait, et surtout pas dirigé à ton encontre. Après tout, la grossesse est un événement que même la science ne parvient pas à appréhender entièrement tellement le processus de création de la vie et de croissance du fœtus est parfaitement bien rodé. On voudrait mettre les futures mères sous cloche, pour les préserver de tout, les observer et s’émerveiller face au ventre qui grandit. Certainement par souci de fascination et par instinct de survie, cette force animale et irrationnelle qui voit en la future mère la continuité d’une espèce, et non une personne pourvue d’émotions et de besoins qui lui sont propres. Mais isoler les mères de la vie en les surprotégeant est une insulte même à la vie, car la vie ne peut éclore et s’épanouir dans un milieu aseptisé et anxiogène. Voilà, c’est dit : prenez soin des mères, et surtout, écoutez-les. Lorsqu’elles veulent courir, ce n’est pas un caprice, c’est une nécessité ; et pourvu que leur grossesse se déroule sans encombre, il n’y a aucune raison valable de leur refuser ce droit. 

Parce que tous les discours préventifs ne sont pas infondés, il nous semble important de t’informer quant aux changements physiques induits par l’état de grossesse, et pouvant expliquer pourquoi il est essentiel pour une femme enceinte d’avoir une pratique de la course à pied consciente et raisonnée.

Tu as peut-être mis du temps à tomber enceinte, ou peut-être que ce bébé s’est niché au creux de ton ventre avant même que tu ne puisses l’envisager. Dans tous les cas, chaque grossesse désirée est précieuse, et chaque décision de celle qui porte la vie l’est tout autant. Aussi, si tu choisis de continuer la course à pied pendant ta grossesse, sache que cela ne fait pas de toi quelqu’un d’irresponsable ni d’égoïste. Et si, malgré lui, l’imaginaire collectif croit dur comme fer que parce que le processus de création de la vie est tellement magistral et parfait qu’on ne doit nullement prendre le risque de l’altérer en incluant les mères dans la vie quotidienne — avec tout ce qu’elle a de stressant, de bancal et d’imprévus — on ne peut néanmoins, par essence, pas exclure la vie de la vie elle-même. C’est une hérésie. 🤦🏾‍♀️

Alors si tu as trouvé un(e) professionnel(le) de santé éclairé(e) quant aux bienfaits du sport pendant la grossesse et que ce(tte) dernier(ère) affirme — après examen — que tous les voyants sont aux verts : alors cours ! Et si ton(ta) médecin tient un discours contraire à tes convictions, rien ne t’empêche de te fournir un second avis médical pour t’assurer du fait que la course à pied te soit bien (dé)conseillée pendant ta grossesse. Dans tous les cas, toute pratique ou arrêt total d’une activité physique doit se faire sous les conseils d’un(e) professionnel(le) de santé. Si aucune contradiction médicale ne t’en empêche, que tu en as envie et que tu demeures à l’écoute de ton corps et de tes sensations alors la réponse est oui, courir enceinte est bon pour toi ! 🙏

Pendant la grossesse, il est préférable de privilégier la pratique d’un sport que tu avais déjà adopté avant de tomber enceinte. Cela offre, entre autres, l’avantage de poursuivre ta pratique à un niveau d’intensité équivalent (du moins au début de la grossesse, puis de manière décroissante au fil des mois en termes d'intensité d’effort et de kilométrage).

Ensuite, à condition de bénéficier d’un aval médical, que tu sois à l’écoute de tes sensations et que tu adaptes ton rythme et ta pratique à ton état de forme actuel, commencer la course à pied est tout à fait possible. Évidemment, on ne parle pas ici de débuter un plan d’entraînement marathon, mais plutôt de footings courts et à faible intensité, voire d’une alternance marche/course. Il ne s’agit pas de performance, mais d’un maintien ou d’une amélioration de ton hygiène de vie via la pratique d’une activité physique qui te plaît et au cours de laquelle tu te sens à l’aise.

Si tu n’étais pas une adepte de la course à pied avant ta grossesse et que pratiquer ce sport ne te dit rien lorsque tu es enceinte, tu peux tout à fait te tourner vers des activités physiques plus douces telles que la marche rapide, l'aqua jogging, le vélo d’appartement, la natation ou encore le yoga prénatal. Grâce à ces pratiques, tu pourras te dépenser sans risquer d’éventuels inconforts auxquels un corps qui n’a pas encore subi les adaptations physiques et mécaniques engendrées par la course à pied peut être soumis. Et n’oublie pas, pourvu qu’aucune contre-indication ne t’en empêche, le sport sera toujours préférable à la sédentarité.

Parmi les idées reçues bien ancrées dans l’imaginaire collectif au sujet de la course à pied pendant la grossesse, on retrouve : 

Autant te dire que toutes ces phrases sont entièrement fausses. Au contraire, la littérature scientifique démontre qu’une femme en bonne santé et dont la grossesse se déroule sans complications peut tout à fait pratiquer une activité physique adaptée à ses envies et à ses sensations de manière sécuritaire, pour elle, ainsi que pour son bébé. 

Là encore, tout dépend de chacune. Tandis que certaines femmes pratiquent la course à pied jusqu’à la veille de leur accouchement (c’est notamment le cas de Charlotte Taquet, ultra-traileuse), d’autres sont contraintes d’arrêter plus tôt, parce que cela est devenu trop inconfortable pour elles (lorsque leur ventre est trop lourd et/ou exerce une pression trop importante sur leur périnée), par manque d’envie, ou encore pour raison médicale.

Si tu es soumise à des nausées/vomissements et à de la narcolepsie (envie irrésistible de dormir), le premier trimestre de grossesse n’est généralement pas la période au cours de laquelle tu prendras le plus de plaisir à courir. Toutefois, il est possible que l’activité physique concoure à diminuer l’intensité des nausées. Mais parce que ce n’est pas constamment le cas, il est primordial d’écouter tes sensations et d’aviser en fonction d’elles.

On entend souvent que le second trimestre de grossesse, avec le regain d’énergie qui l’accompagne en général, est la période la plus favorable à la pratique de la course à pied. Mais là encore, il est important de ne pas en faire une banalité : pour certaines, le second souffle n’a pas lieu, les nausées et autres désagrément continuent. Dans tous les cas, une attention toute particulière doit être portée aux sensations corporelles et au bien-être psychologique.

Lors du troisième trimestre, le ventre devient proéminent et le centre de gravité se déplace vers l’avant. De l’avis général des concernées, ce n’est donc pas la période la plus agréable pour courir. Encore une fois, être attentive aux signaux envoyés par son corps est une nécessité, surtout quand on sait que la pression exercée par son bébé sur ses poumons peut provoquer un essoufflement. Alors on n’hésite pas à bouger en conséquence : si l’on y prend davantage de plaisir, troquons la course pour de la marche à pied.

Faire du sport enceinte, c’est possible, mais pas tous les sports. On évitera ainsi :

Les sports à faible impact, aussi dits “portés”, sont particulièrement intéressants à pratiquer pendant la grossesse. Il peut s’agir de : 

Comme expliqué précédemment, pourvu que ta grossesse se passe bien et que tu te sentes toi-même en pleine forme, tu peux tout à fait courir enceinte. Voici toutefois quelques points auxquels tu devras être attentive pour t’assurer une pratique sereine et respectueuse de ton bien-être ainsi que de celui de ton bébé.

Si l’on a tendance à être exigeante envers soi-même au quotidien, la grossesse est bien la période par excellence où nous devons être à l’écoute de nos sensations. S’adapter à ses ressentis est donc primordial. Par exemple, si des tiraillements ou une lourdeur au niveau du ventre apparaissent lors de ta pratique, n’hésite pas à ralentir le rythme, voire à marcher. Idem si tu es essoufflée, si tu as trop chaud, si tu ressens des douleurs, des inconforts, si tu es victime d'incontinence, et cætera.

La grossesse n’est pas la période idéale pour tester des plans d’entraînement intensifs, pour effectuer un test VMA ou pour chercher à battre tes records personnels, alors “vas-y mollo” concernant les intensités. Le fractionné peut être pratiqué, mais encore une fois, tu dois écouter tes sensations et adapter ta vitesse en conséquence.

Lorsqu’on est enceinte, le rythme cardiaque est en moyenne dix battements plus élevé qu’en temps normal. Cela s’explique par l’augmentation du volume sanguin et par les besoins du fœtus auxquels le cœur de la maman doit répondre. Alors si ta FC est plus élevée que d’habitude lorsque tu effectues un footing enceinte, rassure-toi : c’est tout à fait normal. Il est cependant important de vérifier que ton rythme cardiaque ne soit pas trop élevé pour ton propre confort (de toute façon, s’il l’est, tu le ressentiras bien assez tôt 😅). Comme lorsque tu cours en endurance fondamentale, tu dois être capable de tenir une conversation. 

Les facteurs de risque pouvant être évités en course à pied pendant la grossesse sont, selon nous, les suivants :

Être à l’aise avec son(sa) médecin, sentir qu’on peut lui parler de tout sans risquer d’être jugée, c’est la base quand on est enceinte. Pour cela, ton(ta) docteur doit être au courant de ta pratique de la course à pied et comprendre que cela est important pour ton bien-être avant de formuler ses recommandations. Par ailleurs, il est essentiel de le(la) tenir informé(e) quant à ta pratique de la course à pied et tes sensations. Tout au long de ta grossesse, ses préconisations changeront en fonction de ton état de santé et de celui de ton bébé.

La course à pied pendant la grossesse n’est donc pas à proscrire, et est même encouragée, pourvu que cette activité soit de préférence déjà pratiquée avant la grossesse, qu’il n’y ait pas de contre-indications médicales qui t’empêchent de courir, que tu demeures constamment à l’écoute de tes sensations (et que tu adaptes ton entraînement en fonction d’elles) et que tu aies envie de chausser tes baskets ! Par ailleurs, courir pendant la grossesse peut faciliter la reprise de la course à pied pendant le post-partum qui, elle aussi, doit être progressive (elle doit débuter après ta rééducation du périnée et une fois le go de ton(ta) sage-femme reçu), et dépendante de tes sensations. 🏃‍♀️