Courses féminines : courir entre femmes pour gagner en confiance ?

Les courses féminines font pleinement partie du paysage du running en France comme à l’étranger. Ces événement, exclusivement réservés aux femmes, rencontrent un franc succès et sont souvent plébiscités tant par les médias que par les principales intéressées.

❓ Mais pourquoi un tel engouement ? Cette démarche ne serait-elle pas finalement l’arbre qui cache la forêt ? Quels sont ses bénéfices et ses limites ? Zoom sur les courses dédiées aux runneuses ! 

La pratique de la course à pied par les femmes est encore conditionnée à de nombreux facteurs externes. Rarement favorables, ces derniers vont au contraire la freiner significativement, particulièrement lorsqu’elle a lieu en extérieur comme c’est le cas du running. 

La sécurité des femmes dans l’espace public est depuis longtemps un sujet sensible. La pratique du sport en extérieur n’échappe pas à la règle et peut même accentuer le phénomène : tenues légères, moulantes, mouvements du corps induits par la foulée… certains hommes érotisent la figure de la runneuse et normalisent le harcèlement de rue dont elle est victime. 

Ainsi, une étude menée par University of Manchester (Royaume-Uni) auprès de 498 femmes ayant couru en extérieur a révélé que 68 % d’entre elles avaient déjà fait l’expérience d’un comportement abusif (remarques non sollicitées ou insultes, suivi, exhibition, etc.) pendant une sortie running. Certaines enquêtes font monter ce chiffre à 84 %.

Dans ce même sondage, on apprend que 58 % ont rapporté avoir subi des insultes ou remarques verbales pendant une course et 19 % ont déclaré avoir été suivies pendant qu’elles couraient. 

Ces chiffres révèlent une réalité bien sombre : les obstacles à la pratique de la course féminine sont réels, concrets et à prendre au sérieux. 

Les chiffres mettent en avant un risque bien présent qui guette les coureuses. Mais qu’est-ce que cela entraîne dans leur quotidien de sportive ? 

De récentes études font ressortir que plus de 60 % des femmes évitent de sortir courir tard le soir. En cause : non pas l’horaire mais la nuit. Si cela pose moins de difficultés en été, l’hiver devient un véritable frein à la pratique du running pour les femmes. 

Rues moins fréquentées, absence de luminosité voire même noir total en campagne ou dans les communes qui réduisent l’éclairage public… le sentiment d’insécurité augmente à mesure que la lumière du jour diminue. 

Pour beaucoup de femmes, courir à proximité de leur domicile comporte un côté rassurant. La possibilité de se réfugier rapidement chez soi ainsi que la connaissance du quartier et potentiellement des personnes qui le fréquentent pèsent dans la balance. 

Malheureusement, cela peut fortement impacter les entraînements de course dans la durée et dans la qualité. Sur le long terme, la monotonie peut aussi mener à un découragement et une diminution de l’engagement. 

La pratique sportive des femmes n’a rien d’une évidence. Au fil des ans, elles ont conquis ce droit à force de volonté et de persévérance. Mais on n’efface pas des siècles de patriarcat en un coup d’éclat (ni en deux, ni en dix…). 

Si de nos jours en France, les femmes sont libres de courir sur le papier, des réticences demeurent ancrées et des obstacles mentaux se dressent encore sur leur chemin. Là où le sport est considéré comme valorisant chez l’homme, il est encore vu comme un loisir facultatif chez la femme. Ainsi, la séance de course à pied féminine sera plus prompte à être annulée pour effectuer des tâches quotidiennes. 

De même, la culpabilité est fortement présente chez certaines coureuses lorsqu’un run induit de repenser la gestion du foyer. Sentiment d’abandonner ses enfants, charge mentale face au manque de temps pour les tâches quotidiennes etc. tous ces éléments sont autant de freins à la conjugaison de la course au féminin. 

Le succès quasiment immédiat des courses féminines ne doit rien au hasard. Il découle d’un réel besoin qu’ont les femmes de se réapproprier l’espace public afin, notamment, de pouvoir y pratiquer des activités sportives. 

L’étude « Do major events make people more active? The impact of participation in the Flora Women’s Mini-Marathon on physical activity behaviour in women » montre qu’un événement féminin majeur attire des femmes initialement non sportives. Ainsi, les courses féminines peuvent servir de catalyseur à l’initiation d’une pratique régulière du running. Elles permettent de mettre les femmes plus à l’aise, les rassurent et limitent le sentiment d’intimidation lié à cette première expérience de course officielle. L’étude souligne toutefois que l’un des défis principaux reste de transformer la participation ponctuelle (un événement) en pratique régulière (activité). 

Cela ne peut se faire que si la course 100 % féminine s’inscrit dans des dispositifs plus globaux visant à permettre aux femmes de se réapproprier l’espace public. En effet, différentes expériences menées par des municipalités françaises semblent prouver que la faible représentation des femmes dans le sport urbain est en grande majorité liée des obstacles extérieurs résultant notamment de la conception des espaces publics. 

💡 Par exemple : la ville de Lille a mené il y a quelques années des travaux de réaménagement d’un parc initialement fréquenté quasi-exclusivement par des hommes. Ce lieu, grillagé et peu éclairé, a été entièrement ouvert, verduré et l’éclairage a été intégralement repensé pour limiter au maximum les zones d’ombre. Le constat a été sans appel : les femmes ont réinvesti peu à peu les lieux, notamment pour courir et pratiquer du sport. 

En résumé, les courses 100 % féminines rendent plus accessibles la pratique du running aux femmes qui ressentaient des barrières à l’entrée : peur du ridicule, malaise au milieu des coureurs masculins, manque d’identification face au faible pourcentage de coureuses dans les courses officielles etc. Elles imposent les runneuses dans le paysage urbain le temps d’un événement et leur prouve que oui, courir est possible lorsque l’on est une femme et peut même être une expérience positive et salutaire pour la santé mentale et physique. 

Toutefois, pour une pérennisation de la prise de conscience, la course féminine doit s’inscrire dans un ensemble de mesures favorisant une entrée définitive des débutant(e)s qui se laissent tenter par l’expérience dans l’univers du running. 

On l’a déjà abordé, mais le grand saut dans la pratique du running est bien souvent facilité par un phénomène d’identification : “si elle l’a fait, je peux le faire.” Ainsi, mettre en avant des courses 100 % féminines aide à provoquer ce déclic en rendant les femmes sportives massivement visibles le temps de l’événement. 

Mais l’initiative peut aller bien au-delà. En effet, une course, ça se prépare. Ce n’est pas chez Campus qu’on te dira le contraire. Pour s’entraîner, un certain nombre de femmes cherchent des conseils, des groupes dédiés qui vont les mettre en contact avec un public de coureuses. Conseils, échanges, partage… c’est un cercle vertueux qui peut rapidement se mettre en place. 

Puis, le jour J, les sas de départ sont autant d'occasions d’échanger, de se raconter, de poser des questions et d’obtenir des conseils. Enfin, les applications de running et les réseaux sociaux où l’on fait son compte-rendu de course continuent de visibiliser la course dans le temps. 

🫶 Par exemple, la communauté Campus a un espace entièrement dédié aux runneuses dans lequel elles peuvent se rencontrer, se conseiller sur des problématiques générales ou spécifiques (grossesse, cycle menstruel etc.) et s’encourager. 

Le fait de voir des retours positifs et des photos de femmes souriantes après un événement running féminin peut jouer le rôle de catalyseur. C’est un levier majeur à ne pas négliger ! 

Les courses 100 % féminines sont une initiative radicale. Elles excluent purement et simplement les hommes pour créer un espace dédié aux femmes. Si les effets à court terme sont indéniables, le constat peut rapidement se nuancer sur du plus long terme. 

Les courses 100 % féminines sont une belle initiative, mais elles ne sont pas représentatives de la réalité. L’espace public est mixte (voire plutôt masculin) et il n’est ni possible ni souhaitable d’opérer des séparations strictes entre les hommes et les femmes au quotidien. Dès lors, ces événements peuvent donner aux participantes débutantes une image erronée de ce qu’est la pratique du running dans la vie courante. Pire : ils peuvent amener les femmes à rejeter la pratique mixte de la course à pied. Groupes de course exclusivement féminins, entraînements entre femmes… ces petites initiatives d’apparence anodine et même bienveillantes peuvent participer à une véritable segmentation de la course à pied entre les hommes et les femmes. 

On peut noter un biais plus pernicieux encore : les courses féminines peuvent freiner les débats autour de l’adaptation des courses non-mixtes aux femmes. En effet, on sait qu’il existe de nombreuses problématiques qui concernent les femmes dans les courses officielles : WC, affluence trop massive dans les sas etc. Certain(e)s organisateur(ice)s pourraient tenter de mettre de côté les réflexions autour de ces réalités en arguant que les coureuses peuvent parfaitement opter pour des courses 100 % féminines qui seront totalement pensées pour elles. 

La meilleure façon de tirer bénéfice des courses féminines, c’est de les concevoir comme une étape, une partie de la solution et non son entièreté. Un premier pas dans le monde merveilleux du running : découvrir, dédramatiser, apprécier et recommencer. 

Dans le milieu de la course et même au-delà, des associations ont relevé le défi du passage du 100 % féminin vers la mixité en toute sérénité. C’est le cas par exemple de Sine Qua Non. Cette association permet aux femmes de quartiers réputés difficiles de se retrouver pour participer à des activités sportives encadrées. Lorsqu’elles le souhaitent et se sentent prêtes, elles peuvent inclure des hommes dans les groupes pour évoluer vers une pratique mixte progressive et non contrainte. 

Ainsi, on peut réellement concevoir les courses féminines comme un tremplin vers une pratique plus large qui s’affranchit un peu plus des dualités hommes / femmes. Oui, il y a du travail. Non, ce n’est jamais facile. Mais beaucoup décident de relever le défi et les effets positifs se font déjà sentir. 

👉 Rappelons que de plus en plus de courses officielles atteignent la parité en France ! 

Si tu souhaites trouver une course féminine proche de chez toi, tu peux te rendre sur le site Finisher qui comporte une catégorie dédiée. On a préparé une petite liste (non exhaustive bien évidemment) d’événements que tu peux retrouver chaque année en France. 

Organisées par l’association du même nom, ces courses réparties dans toute la France proposent plusieurs distances, des formats mixtes et d’autres 100 % féminins. Pour trouver la course la plus proche de chez toi, tu peux te rendre sur leur site internet. 

🙏 En participant, tu soutiens l’APA (Activité Physique Adaptée) pour les femmes victimes d’un cancer. 

Direction la citée phocéenne le 10 mai 2026 pour une course de 5 kilomètres entièrement dédiée aux femmes. 

⚠️ L’événement est d’ores et déjà complet, preuve là-encore de l’engouement autour de ces courses féminines festives et engagées solidairement. 

À la fin du mois de juin, les jardins du célèbre Château de Versaille deviennent le théâtre d’un événement unique de plus en plus plébiscitée : la Course des Princesses. Le parcours de 8 kilomètres change chaque année pour éviter la monotonie. Les participants sont pour beaucoup déguisées en princesses et l’ambiance est particulièrement festive. 

Une course mixte de 15 kilomètres et des courses pour les enfants sont aussi proposées pour permettre à toute la famille de prendre part à l’événement. 

Créée en 1997, la Parisienne occupe une place à part dans le calendrier des courses françaises 100 % féminines. Il s’agit d’ailleurs de la plus grande du pays ! Avec deux parcours de 7 et 10 kilomètres, elle permet aux femmes de vivre une expérience running intense au cœur de la capitale. 

Plus largement, l’événement s’inscrit sur trois jours à la mi-septembre et est l’occasion de découvrir des activités sportives, d’enflammer le dancefloor entre filles ou encore de découvrir des marques d’équipement sportif pensés pour les femmes. 

Labellisée par la FFA (Fédération Française d’Athlétisme), cette course de 5 kilomètres est l’un des formats du Marathon Vert de Rennes qui a lieu à la fin du mois d’octobre. Appréciée tant par les débutantes que les athlètes confirmées, cette course urbaine est devenue un incontournable. Sa dimension écologique (pour chaque inscription, un arbre est planté) participe à ce succès grandissant. 

Tu as désormais un aperçu global des enjeux qui entourent les courses féminines. Plus qu’un phénomène de mode, il s’agit d’une réponse à une problématique réelle qui fait bouger les lignes et favorise l’accès à la pratique sportive pour les femmes. Toutefois, l’équilibre est parfois précaire entre intégration et segmentation. Ces événements doivent continuer à être pensés comme des tremplins pour permettre aux femmes de se lancer durablement dans la course à pied.

Une chose est sûre : il faut désormais compter avec elles ! 🏃‍♀️