Abebe Bikila : l'homme qui courait le marathon pieds nus

Lou
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Sommaire
Pourquoi Abebe Bikila est-il célèbre ?
📚 Une brève biographie d'Abebe Bikila, le fameux coureur éthiopien qui a marqué l’histoire du marathon
🥇 Qui a été le premier Africain médaillé d’or aux Jeux olympiques ?
Comment Abebe Bikila a-t-il couru le marathon de Rome 1960 ?
🏛️ Un peu de contexte
🚀 Une course légendaire
👣 Ce que cette course a changé
Quel(le)s autres coureur(se)s ont emboîté le pas à Bikila ?
🇪🇹 L'Ethiopie, une grande nation de marathonien(ne)s
🏆 Les meilleurs coureur(se)s éthiopien(ne)s de tous les temps
🩴 Abebe Bikila : le minimalisme en héritage

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Quand un(e) athlète change à jamais le regard porté sur un sport, il/elle entre bien souvent dans la légende. C’est le cas d’Abebe Bikila. Ce dernier n’a pas seulement couru mais transcendé le marathon. De ses pas nus sur les pavés de Rome à ses exploits olympiques, son nom résonne comme un symbole : celui du courage, de l’inspiration et de l’histoire avec un grand H.
Pourquoi Abebe Bikila est-il célèbre ?
Abebe Bikila est devenu une icône de la course de fond pour avoir remporté deux médailles d’or olympiques consécutives, un exploit rarissime dans l’histoire du marathon. Sa victoire pieds nus aux Jeux olympiques de Rome 1960 l’a hissé au rang de symbole mondial et son retour victorieux à Tokyo 1964 a confirmé son statut de marathonien de légende.
📚 Une brève biographie d'Abebe Bikila, le fameux coureur éthiopien qui a marqué l’histoire du marathon
Abebe Bikila est né le 7 août 1932 à Jato, en Éthiopie, dans une famille de bergers. Il rejoint la Garde impériale éthiopienne et sert sous l’empereur Haile Selassie, gravissant les rangs jusqu’au grade de capitaine. Ce n’est qu’à 24 ans qu’il se tourne vraiment vers la course de fond, repéré par l’entraîneur finlandais Onni Niskanen qui pressent en lui un talent hors normes.
👉 Il participe à seize marathons au cours de sa carrière, remportant successivement douze d’entre eux.
Mais son destin prend une tournure tragique : en 1969, un accident de voiture le laisse paralysé et il meurt en 1973 des suites d’une hémorragie en lien avec ce drame. Son nom reste gravé dans la mémoire collective, avec de nombreux stades, rues et événements portant son nom, comme le Abebe Bikila Day Marathon, organisé chaque année à Addis-Abeba pour célébrer l’esprit du marathon éthiopien.
🥇 Qui a été le premier Africain médaillé d’or aux Jeux olympiques ?
Abebe Bikila fut le tout premier Africain à remporter une médaille d’or aux Jeux olympiques, grâce à sa victoire sur le marathon à Rome en 1960. Son triomphe n’était pas seulement sportif : il avait aussi une portée symbolique puissante, à l’heure où le monde entier observait les dynamiques du décolonialisme, de l’émancipation et de la fierté nationale.

Comment Abebe Bikila a-t-il couru le marathon de Rome 1960 ?
Ce marathon est désormais mythique : courir 42,195 kilomètres pieds nus sur l’asphalte romain, sur les pavés de l'Appia, était un pari audacieux, presque provocateur. Ce jour-là, Bikila est entré dans l’histoire et a profondément influencé le marathon moderne.
🏛️ Un peu de contexte
Les Jeux olympiques de Rome 1960 constituent un moment charnière : l’Italie veut capitaliser sur son histoire impériale tout en projetant une image renouvelée. Le marathon emprunte des voies historiques (Appia Antica) et passe devant le Colisée et l’Arc de Constantin.
Sur le papier, Bikila n’était pas un favori, alors peu connu en dehors de l’Éthiopie. Lors de son inscription, il reçoit des chaussures, mais elles ne lui conviennent pas du tout. Il choisit donc de courir sans rien aux pieds, comme il s’était longtemps entraîné.
🌙 Il faut aussi noter que la course se déroule de nuit, avec des torches le long du parcours pour éclairer les coureurs sur l’Appia.
🚀 Une course légendaire
Abebe Bikila reste dans le peloton pendant une bonne partie de la course. Ce n’est qu’à l’approche de l’arrivée qu’il accélère. Un détail marquant est son passage devant l’obélisque d’Aksoum, symbole du patrimoine éthiopien déplacé à Rome sous Mussolini, devant lequel il lança son effort décisif.
Il franchit la ligne d’arrivée sous l’Arc de Constantin en 2 heures 15 minutes et 16 secondes, établissant un nouveau record du monde. Son geste, courir pieds nus sur les pavés, bouleverse les perceptions : il incarne une forme d’authenticité, de connexion à la terre, de défi. Quatre ans plus tard, à Tokyo, il récidive : à peine remis d’une opération, il décroche un second or olympique et bat à nouveau le record du monde.
👣 Ce que cette course a changé
Sa victoire en 1960 projette l’Éthiopie sur la scène mondiale et inspire toute une génération de coureur(se)s africain(e)s. Il devient symbole d’un continent capable de dominer le sport mondial. Son exploit influence aussi la manière de penser la course à pied (le minimalisme, le naturel) même si, dans les décennies suivantes, les chaussures de course se développeront intensément. Le format du marathon olympique lui doit une part de son aura : une épreuve devenue mythique, sous les projecteurs du monde entier.
Quel(le)s autres coureur(se)s ont emboîté le pas à Bikila ?
Bikila n’a pas été un phénomène isolé : il a ouvert la voie à toute une génération d’athlètes africain(e)s qui domineront durablement les courses de fond.
🇪🇹 L'Ethiopie, une grande nation de marathonien(ne)s
Après Bikila, l’Éthiopie s’est imposée comme une terre de coureur(se)s d’exception. Le pays, dont l’altitude moyenne dépasse les 2 000 mètres, offre un environnement naturel idéal pour développer une endurance hors norme et une efficacité respiratoire remarquable.
Les jeunes Éthiopien(ne)s grandissent souvent en courant pour aller à l’école ou simplement pour se déplacer dans des paysages vallonnés. Mais au-delà de la physiologie, il existe une véritable culture du marathon : discipline de prestige, symbole de persévérance et de fierté nationale. Les succès d’Abebe Bikila ont ouvert la voie à une tradition entretenue par des générations d’athlètes guidé(e)s par la rigueur, la foi et la passion de la course.
Aujourd’hui encore, les clubs d’Addis-Abeba, d’Arsi ou de Bekoji, surnommée la "ville des champions", forment chaque année de nouveaux talents qui s’illustrent sur toutes les grandes courses du monde.
🏆 Les meilleurs coureur(se)s éthiopien(ne)s de tous les temps
Nom | Dates | Spécialité(s) | Fait(s) marquant(s) |
---|---|---|---|
Mamo Wolde | 1932 - 2002 | Marathon | Champion olympique aux Jeux olympiques de Mexico 1968, successeur direct d'Abebe Bikila, figure emblématique de la Garde impériale |
Haile Gebrselassie | Né en 1973 | 10 000 mètres / Marathon | Deux fois champion olympique (Atlanta en 1996, Sydney en 2000), ancien détenteur du record du monde du marathon (2 heures 03 minutes 59 secondes) |
Kenenisa Bekele | Né en 1982 | 5 000 mètres / 10 000 mètres / Marathon | Triple champion olympique, plusieurs fois recordman du monde, transition réussie vers la route |
Tirunesh Dibaba | Née en 1985 | 5 000 mètres / 10 000 mètres / Marathon | Trois fois championne olympique, surnommée la baby-faced destroyer pour son mental redoutable |
Genzebe Dibaba | Née en 1991 | 1 500 mètres / 5 000 mètres | Championne du monde et détentrice du record du monde du 1 500 mètres (3 minutes 50 secondes et 07 centièmes) |
Tsegay Kebede | Né en 1987 | Marathon | Vainqueur des marathons de Londres et Chicago, double médaillé mondial, modèle de régularité |
Derartu Tulu | Née en 1972 | 10 000 mètres / Marathon | Première femme africaine championne olympique (Barcelone 1992), pionnière de la course féminine éthiopienne |
Ces athlètes ont non seulement enrichi le palmarès du pays, mais aussi forgé une identité collective : celle d’un peuple de coureur(se)s de fond, porteur(se)s d’un héritage né sur les routes de Rome en 1960. Leur constance, leur humilité et leur discipline inspirent aujourd’hui encore des milliers de coureur(se)s à travers le monde.
🩴 Abebe Bikila : le minimalisme en héritage
L’image de Bikila courant pieds nus a contribué à alimenter le discours sur le minimalisme en course à pied, l’idée selon laquelle l’humain pourrait courir “naturellement”, sans superstructures.
Le livre Born to Run de Christopher McDougall, souvent cité comme une bible du minimalisme, fait de cette idée un terrain d’expérimentation et d’inspiration pour de nombreux(ses) coureur(se)s et le cite :
“Il apprit l’existence d’Abebe Bikila, le coureur éthiopien qui avait remporté pieds nus le marathon des Jeux de 1960 sur les pavés romains, et celle du Dr Charlie Robbins, cas unique dans le corps médical, qui courait lui aussi pieds nus. Il prétendait que le marathon n’avait rien de dangereux mais que les chaussures le sont autant que les armes à feu.”
Christopher McDougall (Born to Run)
Mais depuis, les technologies de chaussures (amortis conséquents, plaques carbone etc.) ont pris une place centrale : le débat entre performance technologique et retour aux sensations fondamentales perdure.

Abebe Bikila était plus qu’un coureur : il était un symbole, un passeur d’héritage, un catalyseur de transformations. Sa victoire à Rome en 1960 pieds nus et son doublé à Tokyo en 1964 ont changé à jamais la face du marathon olympique. Sa trajectoire mêle aussi gloire et tragédie, rappelant combien le sport est souvent une quête fragile. Et pourtant, son héritage perdure aujourd’hui, dans chaque foulée lancée par une nouvelle génération en quête de sens et de dépassement.

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